Les marchés parient sur l'explosion de la zone euro

Les marchés font le pari que la crise financière et économique va faire voler en éclat la zone euro. En effet, depuis le début de la crise bancaire, en août 2007, mais surtout depuis qu’elle a touché l’Europe, en octobre 2008, l’écart (« spread » en anglais) de taux d’intérêt entre l’emprunt d’Etat de référence à 10 ans (le Bund allemand) et celui des autres emprunts d’Etat de la zone euro s’est fortement creusé. Autrement dit, les marchés exigent de la plupart des pays qui veulent emprunter pour financer leur plan de relance une « prime de risque » de plus en plus élevée. Ils manifestent ainsi leur défiance à l’égard de la solvabilité à long terme de bons nombres de pays et donc leur capacité à en rester membre de la zone euro. Ce creusement affolant des « spreads » inquiète de plus en plus les autorités monétaires européennes : l’Eurogroupe, qui réunit les seize ministres des finances de la zone euro, va aborder le sujet ce lundi.

Les taux d’intérêt à long terme sont librement fixés par les marchés (et varient donc au jour le jour) et reflètent la qualité de la signature d’un Etat. Depuis 1995, date à laquelle les marchés se sont persuadés que l’euro verrait le jour, ces taux se sont rapprochés et ont navigué dans une fourchette très étroite, ce qui a permis, par exemple, à la Grèce ou à l’Italie, deux pays fortement endettés, de se financer dans des conditions proches de celle de l’Allemagne. Car cette dernière reste la référence absolue : sa signature étant considérée comme la plus sûre, elle bénéficie des taux les plus bas.

Mais depuis le début de la crise, le besoin de financement massif des Etats, a accru les spreads. Ainsi, alors que le Bund allemand était hier à 2,90 %, le taux français était à 3,38 % %, soit l’écart le plus important depuis le lancement de l’euro (avant la crise, l’écart était de 5 points de base contre 47 en moyenne aujourd’hui), le taux portugais à 4,19 %, le taux italien à 4,41 %, le taux irlandais à 4,62 % et le taux grec à 5,34 %, soit un écart de 244 points de base, ce qui est faramineux !

C’est ce qu’on appelle en anglais le « flight to quality » : dans un environnement risqué, les investisseurs recherchent la qualité. Or la dégradation des finances publiques les inquiète car cela fait peser un risque sur la capacité de remboursement des Etats : le fait que l’agence de notation Standard & Poor’s ait dégradé, mercredi, la note de la Grèce de A/A-1 à A/A-2 et que l’Espagne, le Portugal et l’Irlande aient été placés « sous surveillance » ne va pas les rassurer (la note maximale, triple A, n’est plus décernée qu’à sept Etats dans le monde, dont la France). Et face à l’explosion des emprunts d’Etat, les marchés peuvent faire la fine bouche et se montrer exigeants. Ainsi, en 2009, la France empruntera 175 milliards d’euros, l’Allemagne 238 milliards d’euros, l’Italie 220 milliards d’euros, la Grande-Bretagne 182 milliards d’euros, la Grèce 53 milliards d’euros, etc. Et les Etats-Unis, plus de 1000 milliards d’euros. Le problème est que cette augmentation des taux longs enclenche un cercle vicieux : comme le service de la dette s’alourdit, cela détériore davantage le déficit et accroît la dette, ce qui augmente d’autant la méfiance des marchés…

« En réalité, le marché se pose des questions qui n’ont pas lieu d’être posées », estime Christian de Boissieu, le président du Conseil d’analyse économique. « Aucun pays n’a quitté la zone euro, c’est même le contraire qui se passe, le nombre d’Etats membres étant passé de 11 à 16. Le flux est entrant et pas sortant. Si un pays le faisait, il verrait exploser la charge des intérêts de sa dette ». Alors, que faire pour réduire ces spreads ? « Il faut que les pays attaqués ne laissent planer aucun doute sur leur volonté de rester dans la zone euro. Il faut donc qu’ils annoncent un plan d’assainissement de leurs finances publiques à moyen terme, une fois que la crise sera passée », explique Boissieu. C’est le message qu’a martelé, hier, Jean-Claude Trichet, le président de la BCE : « la confiance dans la stabilité à long terme des finances est essentiel ». D’où l’importance, une fois la crise passée, de revenir dans les clous du Pacte de stabilité. Surtout, ne faudrait-il pas créer une agence européenne capable d’émettre des « eurobligations », comme l’a suggéré Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe ? Certes, dans un premier temps, l’Allemagne y perdrait. Mais à moyen terme, l’ensemble de la zone euro y gagnerait. L’idée fait son chemin et devrait être évoquée lundi soir, lors de l’Eurogroupe.

Source: Agence France Trésor.

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